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Le nouveau monde, ou les habits neufs de l’Ancien monde

Le nouveau monde, ou les habits neufs de l’Ancien monde 

Tout comme les virus infectent des corps pour s’assurer que leur code génétique se transmette dans la durée, dans un cycle vitale presqu’autonome, les idéologies, les mythologies et les religions vivent dans les sociétés humaines une vie au-delà de la vie de leurs créateurs. Ce sont ces accidents de l’Histoire qui font en sorte que des récits survivent et contaminent l’esprit de leurs « hôtes », de génération en génération, jusqu’à aujourd’hui. En faisant comme avec les corps, en procédant à une généalogie de ces « discours »; de leurs idées, leurs mythes et leurs croyances, on trouve des similitudes et des contradictions, des vérités et des faussetés, des remèdes et des poisons qui suivent leur chemin dans le temps, perdant peu à peu de leur « vérité » comme l’entropie dégrade lentement ce qui est vivant. L’Occident et la bobosphère n’échappent pas à ce principe d’éternel retour du même nietzschéen. Par contre, ce qui est nouveau, c’est que nos élites urbaines et éducatives d’aujourd’hui soient absolument certaines d’être les nouveaux porteurs de la croix. En effet, une nouvelle idéologie qui utilise les mythologies puritaines et marxistes – que j’appelle le marxisme ontologique – cherche à s’émanciper du monde académique – qui l’a mise au monde – et à se constituer comme secte, voir même comme une religion internationale. Un culte intersectionnel utilisant les rituels de sacrifice et les signalements de vertu pour imposer une orthopraxie des symboles, du langage, des pensées et des comportements. Dans l’esprit de ces cultistes, l’homme nouveau est possible car l’homme est une « construction sociale », tout comme les identités, les faits, les vérités sont des « constructions sociales ». Leur rêve est qu’en devenant les ingénieurs sociaux de notre société, les bobos-urbains-éduqués, moralement supérieurs à la plèbe populiste raciste, xénophobe, misogyne, pourront « déconstruire » l’Ancien monde pour faire émerger le nouveau. 

Mondialisme, internationalisme et bobos-urbains-éduqués 

« Nationalists can talk to one another; with internationalists, oddly, talking doesn’t work so well. » - Michel Houellebecq dans le Harper’s Magazine de janvier 2019 

Nous avons beau avoir plusieurs exemples à travers le 20e siècle de ce qui arrive lorsqu’un gouvernement centralise ses marchés et adopte l’état social totalitaire, la mythologie marxiste persiste et continue de contaminer l’esprit de millions de jeunes à chaque année. Aujourd’hui, cet idéal révolutionnaire s’exprime par la bouche de « représentants » de « groupes opprimés » qui se rassemblent en dehors et à l’intérieur des « institutions de pouvoir » pour faire entendre leurs revendications. Dans l’esprit de ces bobos-urbains-éduqués, ce sont les « identités » définis comme « constructions sociales imposées » par les religions, les nations, les familles et la culture traditionnelle, qui déterminent les inégalités sociales. Ces nouveaux essentialistes, racialistes, sexistes, qui se définissent en utilisant une novlangue euphémisante remplie de contractions performatives comme « le genre est assigné à la naissance », sont obsédés par leur couleur de peau, leurs organes génitaux, leur mode de vie et leurs pratiques sexuels et tout ce qui s’achète, car ils vivent une crise identitaire et existentielle majeure. C’est cette crise qui les amène à se « retrouver » comme individu en militant pour la « justice sociale ». Ces petits chérubins n’ont aucune idée de qui ils sont alors ils veulent se représenter comme les « porteurs du bien universel ». 

Quel est ce nouveau monopole du Vrai, du Bien et du Beau? 

Les frontières n’existent pas et renforcent le nationalisme. Le nationalisme, c’est la guerre. La guerre, c’est pour asservir les minorités opprimées. Asservir les minorités opprimées c’est perpétuer le Patriarcat, l’Impérialisme, le Colonialisme et le Capitalisme. Il n’existe pas de solutions locales, il n’y a que des solutions globales. Et de toute manière la fin du monde écologique a été annoncée par la cyborg aux lulus et donc il faut saisir l’opportunité de ce changement de paradigme; mettre fin à ces démons en lettres majuscules, libérer le genre humain des constructions sociales et culminer avec la justice sociale égalitaire… et imposée. 

Quand on prend le temps de bien cerner l’ordre des discours régurgités par les bobos-urbains-éduqués sévissant dans la culture, dans les médias de masse, dans les universités, dans les partis politiques, dans les organismes non-gouvernementaux (ONG) et toutes les structures administratives, ce que l’on voit c’est 1) l’atomisation effective, par acculturation parentale, des strates éducatives supérieures, 2) le lavage de leur cerveau en continue via cette hégémonie culturelle et les nouveaux médias et 3) la montée en puissance du populisme en réaction à cette hégémonie culturelle. Le populisme de Europe de l’Est, de l’élection de Trump et du Brexit sont des symptômes de la pathologie des âmes qui affecte ces bobos-urbains-éduqués. Nous n’avons qu’à ouvrir la télévision pour voir cette pathologie en action : des crises hystériques, des psychoses, des cris de fureurs, des hypocondriaques hallucinant des « luttes de pouvoir » partout autour d’eux. Cette nouvelle religion en émergence « construit » des victimes ontologiques qui doivent se médicamenter pour passer à travers de leur journée et leurs névroses obsessionnelles. Je vous présente « l’homme augmenté » du transhumanisme version 1.0. 

Les habits neuf de l’Ancien monde 

Même si cette mythologie est capable d’hypnotiser les masses occidentales de bobos-urbains-éduqués depuis maintenant plus de cinq ans, le monde tragique, lui, continue à exister. En-dessous de cette couche médiatique de doctrines intersectionnelles, les adultes travaillent, la guerre froide est repartie et nous sommes en pleine reprise de la course vers la lune et la  planète Mars. Depuis la chute du mur de Berlin, quand j’avais moi-même deux ans, le monde occidental vit dans l’abondance et la joie hédoniste sans limite. Un individualisme ragaillardi par sa victoire contre les totalitarismes de gauche et de droite nous a amené à oublier que le réel est tragique et non idéalisable. Ce culte du moi,moi,moi plaça dans la consommation ostentatoire, le tourisme de masse et la culture « soft power » américaine, le modèle sociale à suivre durant les deux dernières générations. C'est ce modèle sociale qui permît de se décharger du fardeau de l’éducation de nos enfants. Le résultat, c’est une jeunesse en colère, remplie de ressentiment, apathique et cynique, qui vit une explosion des problèmes de santé mentale depuis 2013. L’élection de Trump, le Brexit et la vague populiste sont, sous cet angle, des catalyseurs de cette crise, propulsant les bobos-urbains-éduqués dans une panique morale. 

L’agent Orange et les deux minutes de haines 

Chaque jour, le bobo-urbain-éduqué procède au même rituel : il ouvre son média préféré, écoute son courtisan-journaliste préféré, l’entend évoqué le nom de l’agent Orange et finit sa prière avec un rituel intersectionnel comme chialer sur Facebook, hurler aux loups ou l’automutilation. C’est avec ces signalements de vertus systémiques que les bobos-urbains-éduqués peuvent se rassembler en groupe; dans la douleur qu’évoque l’idée de parler de l’agent Orange. Cette martyrologie est en pleine effervescence depuis le moi de mai et le début des « émeutes de Georges Floyd », mais ne fonctionne que dans les industries de consommation des bobos-urbains-éduqués. Pour les industries qui fonctionnent pour les sans-dents, « Go Woke » signifie plutôt « Go Broke ». Dans tous les cas, si l’évocation de l’agent Orange paralyse ainsi les bobos-urbains-éduqués, il serait intéressant, pour ceux qui croient encore à la possibilité d’analyser et débattre des enjeux de société, de s’attarder à ce qui s’est réellement passé entre son élection et aujourd’hui. 

Le DEEP STATE 

Les poussées de fièvre populistes dénoncent historiquement le même genre de problèmes de société depuis la formation des États-Unis d’Amérique : ils dénoncent 1) l’État fédéral qui abuse de son pouvoir central sur les États, les entreprises et les populations, 2) les corporations puissantes qui traitent mal les populations et le bien public, et 3) les populations de nouveaux arrivants et les tensions ethniques, religieuses qui sont ramenées dans leurs bagages. Sous cet angle, Donald Trump, l’agent Orange, est un président populiste au même titre qu’Andrew Jackson l’a été. C’est d’ailleurs son modèle de présidence. 

Ceci dit, l’agent Orange n’a pas pu mettre en marche ses politiques populistes dès son arrivée au poste de présidence. Il est plutôt entré en guerre avec l’appareil étatique américain : « l’État profond ». Via les mécanismes de « checks and balances » garantis par la constitution américaine, le métier des membres du congrès, des sénateurs démocrates de leurs courtisans-journalistes est devenu un jeu : « comment faire chier l’agent Orange et passer à la télévision pour faire plaisir à mes électeurs/spectateurs hystériques ». On voit bien le succès de cette « télé-réalité » en regardant comment les cultistes intersectionnels sont bandés durs en regardant des petites bourgeoises comme Alexandria Ocasio-Cortez, ou des politiciennes exotiques enturbannées, jouant les pleureuses chics à le télévision. Cette première présidence ne fût pas exceptionnelle à cause de cette guerre de clan interne, mais la mise en lumière des puissances intersectionnelles dans l’appareil étatique nous a permis de voir l’étendu de la contagion culturelle. Encore récemment, après 77 jours d’émeutes partout dans les métropoles américaines et depuis le début d’un exode urbain massif, les cultistes intersectionnels nous assurent dans les médias que ce sont des « fake news » car « ce sont des ma-ni-fes-ta-tions pa-ci-fi-ques ». L’homme capable de sens commun devient peu à peu immunisé contre la bêtise intersectionnelle. 

GAFAM et antitrust 

La réussite de la contamination intersectionnelle dépend de deux facteurs de risque puissant : 1) l’acculturation des enfants à l’école et dans la famille, 2) l’arrivée des médias sociaux permettant aux jeunes de placer leur rationalité à « off ». Le vide laissé par les parents et l’école, ce vide identitaire, devient un trou noir qui consomme des plaisirs jusqu’à l’addiction, l'obsession et la névrose. De même, sans identité propre et avec sur Internet des millions de jeunes bobos-urbains-éduqués, on voit émerger une culture adolescente irrespectueuse qui… évidemment, était prête à absorber le marxisme ontologique du culte intersectionnel, de la même manière que les jeunes adultes des années 1910-1930 furent, via l’effondrement du système de classes sociales, prédestinées à adopter une mythologie totalitaire comme le nazisme, le fascisme et le communisme. 

En analysant les structures internes des GAFAMs (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), leurs plateformes « software » et « hardware », leurs hiérarchies corporatives, leurs protocoles et leur système de gouvernance, on peut voir que ces entités corporatives ont : 1) adoptées totalement le culte intersectionnel, et 2) ces entités sont devenues « too big », trop puissantes, donc dangereuses, pour le marché américain. 

Peu de gens connaissent assez l’histoire américaine afin de comprendre leur mode de gouvernance sur les longues durées; ces gens se réfugient généralement dans les amalgames bancals. Les faits historiques nous démontrent que ce n’est pas la première fois dans l’histoire américaine que des corporations sont devenues trop puissantes et que les présidences populistes amènent généralement des actions politiques pour démanteler ces corporations : les lois antitrust. C’est de cette manière, par le droit, que le gouvernement a par exemple barré la route aux barons du caoutchouc ou aux cartels du pétrole et des médias, à de nombreuses reprises par le passé. De la même manière, sous la présidence de Trump nous avons vus les lois antitrust entrer en fonction ces dernières semaines contre les GAFAMs. Encore une réussite de l’agent orange qui ne serait jamais arrivée sous une présidence démocrate. 

La guerre froide 2.0, le désengagement américain et l’affrontement avec la Chine 

Les bobos-urbains-éduqués ont tendance à penser seulement avec des amalgames cinématographiques ou des MEMEs sur leur mur Facebook. Si on ne leur montre pas la guerre, elle n’existe pas. Donc, s’ils ne voient pas les tranchées, les bombes qui tombent, les chars d’assaut et le mur d’infanterie légère, comme dans les films de guerres, alors la guerre mondiale n’existe pas. Ce sont « des fascistes et des riches qui envoient des pauvres à leur mort » pensent-ils, en consommant leurs symboles de martyrologie. Malheureusement pour eux, la guerre continue même lorsqu’ils sont en vacance. 

Nous sommes en pleine guerre froide 2.0. Une guerre de faible intensité où de nouveaux théâtres d’opérations – cyber et spatial –, de nouvelles technologies et de nouveaux vecteurs de vitesse – information, ressources, capitaux – permettent de nouvelles tactiques et stratégies guerrières. De même, plusieurs événements récents témoignent de l’instabilité qui accompagnent les guerres de faible intensité. 

1) Le désengagement des Américains au Moyen-Orient, débuté sous Obama et continué sous l’agent Orange a récemment provoqué un réalignement majeurs des acteurs dans la région, culminant hier avec un accord commercial et diplomatique entre les Émirats Arabes Unis et Israël – le premier état musulman à reconnaître diplomatiquement Israël. Les guerres au Yémen, en Libye, en Syrie, en Irak, en Afrique sub-saharienne, mais aussi les tensions entre la France, la Grèce, l’Égypte, d’un côté, et les Turcs, de l’autre – donc, entre deux membres de l’OTAN – démontrent à quel point l’instabilité est présente dans toute la région méditerranéenne. 

2) De même, nous voyons émerger deux blocs en opposition directe en Asie. La guerre commerciale débutée, encore une fois, avant Trump, entre les Chinois et les Américains entre aussi en période d’instabilité majeure. Le récent escalade des sanctions économiques, des tarifs douaniers et de l'occupation de la mer de Chine par les deux partis, ainsi que les accords avec des pays tiers dans la région, témoignent d’un autre réalignement en cours. Cet affrontement avec le régime du parti communiste chinois ne sort pas de nulle part, car ce qui est en jeu avec les technologies, les industries et le « libre-échange », c’est la lente baisse du pouvoir d’achat des populations occidentale en plus de la possibilité d'un "Empire du milieu" qui serait... totalitaire. Sans Trump, il n’y aura plus de voyages ésotériques et de smartphones pour nos bobos-urbains-éduqués. 

Partout autour de nous les bobos-urbains-éduqués nous parlent des nouveaux habits du marxisme ontologique. Ils nous présentent ainsi leurs constructions sociales monstrueuses; des jeunes sans identité, meurtris psychiquement et à la recherche d’individus racisés qu’ils feront défiler dans leurs salons mondains pour gagner des points de pureté comme dans un jeu vidéo. Ces femmelettes, incapables de ne pas être hystériques quand on avoue humblement ne pas adhérer à leur religion, sont obsédés par leur personne et refusent de voir le monde autrement que via le prisme de la race, du genre et autres superficialités qu’ils inventent à chaque semaine. Ce blocage mental les empêche de voir le monde tragique pour ce qu’il est : imparfait, mais moins pire que dans un régime totalitaire. Ils ne voient pas de « deep state », mais ils voient des biais racistes implicites, ils ne voient pas de corporations puissantes, mais ils voient des outils de contrôle à utiliser contre les sans-dents, ils ne voient pas de conflits guerriers entre des puissances nationales, mais ils voient des ethnies de salon opprimées par le méchant homme blanc hétéro-cissexué. C’est donc malgré une personnalité haïssable, manquant d’estime de soi et ayant beaucoup de difficulté à « mener » par l’exemple – comme un Romain le ferait – que je juge la présidence de Trump comme plus bénéfique que néfaste pour l’ensemble du monde occidental. 




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