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Journal de confinement

Journal de confinement 

La première semaine complète de confinement est derrière nous. La consigne n'a pas été prise au sérieux pendant quelques jours, le temps que l'information fasse son chemin dans la population, en particulier chez les personnes âgées et les jeunes adultes qui continuent à parler de « juste une petite grippe ». Malgré la persistance des comportements sans civisme, les dernières statistiques par province montrent que le Québec a agit au bon moment, précisément avant que la contagion n'atteigne le niveau d'éclosion à largeur de communautés (community-wide epidemic). De plus, notre PM et son équipe se montrent absolument à la hauteur du défi. Comme je le disais dès janvier, le système de santé public québécois est dans le peloton de tête au niveau de la préparation face aux situations de pandémies. Depuis l'épidémie de SRAS en 2002-2003, les pays qui ont subis une éclosion ont pour la plupart établis des protocoles et plans de contingence en situation de pandémie, avec l'élément-clé de la prise en charge exceptionnelle* des institutions gouvernementales et des ressources de l'état par le directeur de santé publique via des décrets exécutifs, et ce pour une durée déterminée par la crise elle-même. Cette préparation a agit comme des anticorps devant un virus, suite à la première vague de patients infectés dans la province – et aussi dans le reste du pays. Le tandem gouvernement-santé publique a su ré-enligner les deux échecs de la semaine passée : 1) le retard dans les tests de dépistage du SARS-Cov-2 (le nouveau nom du virus) est sur le point d'être rattrapé après quelques ratés, 2) le manque de ressources au 811 est moins criant que durant les premiers jours. 

Petite mise au point dans le partage d'informations et des compétences 

J'ai une formation collégiale en sciences de la santé, une seconde en soins préhospitaliers d'urgence, quelques crédits universitaires en physique et une trentaine en sciences infirmières. J'ai abandonné mes études à cause de douleurs chroniques (arthrite et hernie discale lombaire) et après avoir atteint le plafond d'endettement de l'aide financière étudiante. Depuis, je poursuis mes études, mais à la maison par mes propres moyens. Dans ma carrière de professionnel de la santé j'ai travaillé 300 heures sur la route en tant qu'ambulancier-paramédic et j'ai travaillé aussi plus de 100 heures en milieu hospitalier comme étudiant infirmier, stagiaire et préposé aux bénéficiaires. Je ne suis aucunement un spécialiste dans la pratique des soins et m'en remet à la compétences techniques de mes anciens collègues et mes amis dans tout ce qui est « cas concrets ». Par contre, en ce qui concerne les avancés technologiques et nouvelles du monde académique en santé, ce sont eux qui viennent me demander des conseils – par exemple dans la pandémie actuelle que j'ai annoncée sur mon réseau dès la mi-janvier ou encore en 2011 quand l'épidémie d'opioïdes faisait son chemin des États-Unis au Canada. 

Dans ma formation de paramédic, mon cours préféré fût le cours « d'IPSE » (Intervention Préhospitalière en Situations d'Exception). Ce cours m'a tellement fasciné que je me suis entretenu quelques fois avec l'enseignant du collège Ahuntsic qui se trouve être dans le comité de rédaction des protocoles en situations d'exception pour le ministère de la santé et pour la santé publique au Québec. Quelques heures de discussion sur ce qui s'en venait dans les prochaines années au Québec et quelques conseils de lectures plus tard, je commençais déjà appronfondir le sujet via des recherches personnelles. De même, pour réussir le cours d'IPSE nous avions à passer en ligne une formation du gouvernement du Canada sur les protocoles de sécurité publique en cas d'attaques terroristes biologiques, chimiques ou nucléaires. Plein de lecture intéressante pour ceux qui ont de la mémoire. 

Dernièrement, depuis l'année 2019 c'est plutôt du côté de la théorie que je me suis tourné. La nature du phénomène de contagion étant un des trucs qui me fascinent le plus avec l'étude des pathologies humaines, je me suis mis sur la route de la compréhension de toutes les sphères et domaines autour de la santé :épidémiologie, biochimie, biophysique, génétique, bio-informatique, etc ainsi que tout ce qui se rapproche de la pensée stratégique en situation de crise, de la guerre à la logistique. Tous ces systèmes forment un assemblage de millions d'entités formant un système gigantesque, complexe, de dimension planétaire et répondant à des assauts extérieurs – ici l'assaut est celle d'une pandémie. Cette complexité que j'ai étudiée sous forme de fractales en physique, puis par l'étude de l'homéostasie en biologie, j'essaie de la vulgariser en couvrant tous les ordres de grandeur envisageables. Cet ensemble de perspectives cumulées permet de prévoir les risques, comprendre les dynamiques des phénomènes, trouver les endroits où l'on peut agir et ainsi tenter de modifier l'actions de ceux qui nous entourent de manière prévenir et guérir.. Dans l'environnement de crise, le simple contact entre avec un contact français permettre d'annoncer quelques jours avant le premier ministre du Québec que les AINS (anti-inflammatoire non-stéroïdiens) comme l'ibuprofène et l'aspirine sont fortement déconseillés car ils diminuent l'immunité des gens devant le SARS-Cov-2. 

La veille du virus 

Pour faire ma veille du virus, j'utilise l'aggrégateur de contenu worldometer/coronavirus qui rassemble les informations disponibles afin de monter des graphiques et toutes les statistiques importantes dans la prévision du phénomène. De même, Les publications journalières du NEJM (New England Journal of Medecine), du Brtish Medical Journal, du Journal of the American Medical Association et quelques journaux tiers (publications chinoises à partir des premiers infectés au Wuhan) circulent depuis le début du mois de janvier dans la communauté scientifique. Finalement, le pneumologue et professeur de médecine dr. Roger Seheult effectue une veille de la pandémie depuis la fin du mois de décembre à partir de sa chaîne YouTube « Medgram » en plus de revisiter les résultats des études, valider les bonnes informations, réfuter les fausses nouvelles et vulgariser les réalités complexes de la pandémie. 

La stratégie face au virus 

Dans mon dernier texte sur la mondialisation et les pandémies j'ai parlé des deux techniques importantes afin de réduire le niveau de contagion : 1) la médication en prophylaxie ou pour traiter les symptômes et 2) l'isolement des patients infectés et le confinement général de la population. Il faut comprendre que nous connaissons* l'impact de ces techniques pour réduire le niveau de contagion et que la mise en place de ces mesures est à la hauteur de l'écoute de la population, de l'efficacité du réseau de la santé et de l'état de la chaîne d'approvisionnement des molécules thérapeutiques. En l'occurrence, nous savons depuis début janvier que la chloroquine (médicament pour la malaria) et l'hydroxychloroquine (plus efficace que la chloroquine) peuvent diminuer la charge virale des patients infectés (donc leur niveau de contagion) et réduire la durée de l'hospitalisation. Nous savons aussi que l'effet, dans la réduction de la contagion, de la distribution générale de médicaments en prophylaxie est plutôt marginal, le confinement étant au moins deux fois plus efficace s'il est respecté (25% vs 66% dans la réduction du niveau de contagion). Nous savons aussi que la réponse la plus efficace venant des gouvernements asiatiques (prouvée par la trajectoire du virus au Japon, en Corée du Sud et à Singapour) est un mélange impliquant : 1) du dépistage aggressif dans la population à risque, dans les zones à risques et dans les localisations où il y a eu transmission communautaire, le tout afin de reconnaître les patients porteurs asymptomatiques et les isoler jusqu'à la fin de l'incubation, 2) l'isolement immédiat des personnes présentant des symptômes (et la confirmation par dépistage), 3) le confinement général de la population en limitant au maximum les trajets non essentiels, surtout inter-communautaires, tout en tentant de maintenir les chaînes d'approvisionnement en fonction, et 4) le traitement de l'infection virale par l'hydroxychloroquine, surtout chez les clientèles à risque. 

Deux souches de virus 

Une rumeur circule pour expliquer le niveau de mortalité en Italie : il y aurait « deux souches » du virus et celle de l'Italie serait plus mortelle. 
C'est faux. 

Toutes les souches actuelles du virus se regroupent dans la même souche fonctionnelle. Les mutations du SARS-Cov-2 sont pour le moment sans effet dans la létalité, dans la transmission, dans la pathologie ou dans les conditions cliniques des patients. En fait, le niveau élevé de mortalité en Italie s'explique plutôt par l'âge moyen des patients infectés qui ont succombés à la première vague de la pandémie. Toutefois, nous savons maintenant que la maladie touche presque tous les âges (sauf les enfants de moins de 5 ans, y compris aucune transmission mère-enfant de rapportée) et que la vraie crainte est celle de l'effondrement du réseau de santé italien devant le nombre de nouveaux cas journaliers. 

L'effondrement du réseau 

La trajectoire de l'épidémie italienne sera copiée par la France, l'Espagne, les États-Unis et quelques autres états européens. Les mesures de confinement sont venues jusqu'à trois* semaines en retard. Nous savons aussi que les effets bénéfiques du confinement prennent jusqu'à deux semaines avant de faire effet quand le confinement est en retard – s'il est respecté. Chaque 24-48 heures en Europe et aux États-Unis les urgences voient le double* de nouveaux patients arriver pour avoir des soins : le double d'hospitalisations, le double de patients en difficulté respiratoire et le double de patients requérant une intubation et la ventilation pulmonaire. C'est ce qui nous attend si nous ne sommes pas capable de réduire au maximum le niveau de contagion. Il faut suivre les consignes. Le pic épidémique n'est pas encore atteint en Italie. 

Conclusion : approche par le risque 

Si vous étiez dans les tranchées en 1919 et que vous désiriez survivre au conflit, il va de soi que vous ne sortiriez pas de votre trou pour « aller prendre l'air ». Vous pourriez très bien ne pas prendre une balle perdue, il se pourrait même que cette sortie s'effectue pendant que les snipers ennemis sont en train de manger un croûton de pain moisi. Mais... prendriez-vous ce risque? Je vous rappelle que jusqu'aux deux tiers des morts de la première guerre mondiale viennent pourtant du virus de la grippe espagnole et non des balles ennemies. La vie en situation de pandémie signifie qu'il faut paniquer un peu plus que d'habitude. Il faut mettre en lumière les comportements qui causent des risques et agir par exemplarité. Si vous ne le faites pas pour vous-même, vous devriez le faire pour vos proches qui peuvent crever de ce virus. Vos parents fumeurs, votre ami immuno-supprimé, votre soeur diabétique, votre conjoint qui fait de la haute pression, votre collègue asthmatique ou votre garçon professionnel de la santé. Penser en terme de risques, c'est l'attitude à adopter pour éviter l'effondrement du réseau de la santé et tout ce qui découlerait de cet effondrement. Faque awoye à maison le grand.

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