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Les malentendus de Michel Foucault

Les systèmes de pensée totalitaires ont souvent ceci de commun entre-eux que d'être construits sur les ruines d'oeuvres antérieures révisées par des contemporains pour les goûts autoritaires du jour. Le pillage se fait trop souvent de manière grossière, voir même sur la base de mensonges ou de faux documents. C'est ce même constat que l'on peut faire en lien avec les malentendus autour de l'oeuvre de Michel Foucault, utilisée abondamment par les Judith Butler et autre activistes intersectionnels qui se sont institués comme juges, jurés et bourreaux de l'homme-blanc-hétéro-cissexué. 

Premier malentendu : l'oeuvre, la vie, le travail, la passion 

Quand on me parle de l'apport de Michel Foucault, plutôt que de faire comme certains et séparer sa vie de manière chronologique entre « deux moments » - un moment « structuraliste » et un autre « post-structuraliste » et autres niaiseries du genre - , je préfère parler de l'homme à travers les différentes esthétiques qu'on peut discerner dans sa vie de philosophe : son engagement politique et médiatique que l'on trouve dans ses « Dits et écrits », son parcours personnel le menant à la rédaction de sa thèse qui deviendra par après « L'histoire de la folie à l'âge classique », sa carrière au collège de France l'amenant à développer sa discipline de « l'archéologie du savoir » à travers les thèmes qui le passionnaient, et finalement la bibliothèque de ses essais qui rassemble l'ensemble de son oeuvre inachevée. Je fais cette distinction car trop souvent j'ai entendu nombre de critiques dévaluer l'oeuvre de Foucault sur la base de ses moeurs ou de son rôle d'intellectuel médiatique. Pis encore, voir des jeunes écoliers vénérer le Michel Foucault d'un mai 68 où il n'était pas présent, ou encore les voir adhérer à son oeuvre à travers ses prises de position politique absurdes et son travail exécrable de journaliste durant la révolution iranienne. 

Second malentendu : la boîte à outils foucaldienne 

Même s'il dit n'avoir jamais été ni structuraliste, ni post-structuraliste, car ne sachant pas de quoi il s'agissait, l'histoire le met aujourd'hui du côté de la « French Theory », avec Derrida, Lacan, Althusser, Guattari, Lévi-Strauss, de Beauvoir, Baudrillard, Deleuze, Lyotard, Butler et une foule hétéroclite de penseurs de gauche trop souvent marxistes (Foucault ne l'était pas). D'où vient ce dévoiement de l'oeuvre alors? 

Toute l'oeuvre de Foucault se résume à l'apport de Nietzsche qu'il décrit dans « Nietzsche, la généalogie, l'histoire » qu'on peut retrouver dans les « Dits et écrits tome II ». Tous les thèmes qu'il développe avec ses archéologies, il les développe en suivant les lignes du « pouvoir » abordées à la manière du nietzschéen qu'il est. Cette nuance est masquée par les intersectionnels qui mentionnent plutôt la possibilité d'une « boîte à outil foucaldienne » pour justifier les « études du genre », les « études décoloniales » et plein d'autres départements universitaires plus frauduleux les uns que les autres. 

Cette boîte à outils intervient comme concept durant des entrevues et c'est afin de décrire l'ensemble de son oeuvre prise comme un tout, qu'il désigne les thèmes explorés comme des lignes de fuite qu'on peut suivre et approfondir afin de découvrir tous les endroits où le pouvoir, le savoir et les sujets se juxtaposent au même moment et au même endroit dans la vie des individus en société. Mais cette boîte à outils n'est pas un outils de déconstruction pour faire de l'histoire et des concepts des blocs Légos qu'on pourrait intervertir comme le fonts les intersectionnels loin de là! 

Les thèmes qu'il aborde dans « Naissance de la clinique », « L'histoire de la folie », « L'histoire de la sexualité », « Les mots et les choses » et « Surveiller et punir », ce sont des perspectives qui racontent le développement des techniques de soi, des biopolitiques du pouvoir et des structures de savoirs qui se présentent comme des expériences concrètes et non pas comme des entités abstraites comme le patriarcat, le capitalisme, le néolibéralisme, le racisme et les autres idées pures. D'aucune manière l'oeuvre de Foucault permet de systématiser ainsi les outils proposés. Il n'y a que des marxistes pour réfléchir de la sorte. 

Troisième malentendu : le pouvoir nietzschéen 

Enfin, le pire blasphème qu'on peut fait à cette oeuvre, c'est celui de dévoyer le concept même de « pouvoir » afin d'en faire la « somme des oppressions ressenties », comme le font ces martyrs des politiques identitaires. Tout nietzschéen ne peut que rire de haut devant pareils fadaises! Il serait même beaucoup plus facile de simplement retourner dans ma caverne pour discuter avec Zarathoustra que d'y répondre. 

Pour les nietzschéens, le pouvoir - comme la « volonté de puissance » - ne doit pas être vue de manière morale. Il doit être inscrit comme concept a-moral; par-delà le bien et le mal. Toute description foucaldienne, de la bouche même de Foucault, est incomplète et ne constitue d'aucune manière la possibilité d'une science positive et quantifiable à travers de savants calculs statistiques montées sur les « impressionnants » graphiques « cartésiens » des « axes intersectionnels ». Le pouvoir n'est jamais définit de manière « juridico-discursive », comme un phénomène et un discours judiciaire; une décision de justice, mais comme un tissu d'interactions qui dépassent les cadres du militantisme bas de gamme qu'on voit dans les journaux. Le pouvoir est investi comme une série d'expériences qu'on peut étudier sans toujours devoir revenir au patriarcat ou au colonialisme, les marottes des siècles passés. 

C'est ainsi que de ces trois malentendus découlent une association frauduleuse entre la pensée de Michel Foucault et ces tyranneaux de la post-vérité. C'est ainsi que d'une série de mensonges et de révisions est né un foisonnement de fausses sciences construites sur le pathos de jeunes gens en manque d'attention. 


Tout ceci est tragique. 

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