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Le noël des idéologies passées - Comment faire un succès marxiste au box-office

Le noël des idéologies passées - Recension de "The Age of Surveillance" de Shoshana Zuboff

Il n'existe que quelques rares certitudes sur lesquelles on peut réellement compter dans ce bas monde. Nous savons que la terre tourne autour du soleil, que la lune influence les marées, que le printemps reviendra dans quelques mois, et que les auteurs marxistes tenteront toujours de lire les événements de l'actualité avec leur poésie révolutionnaire, sans même comprendre les thèmes abordés, sans même utiliser le jargon scientifique des domaines étudiés. Car eux savent et c'est comme ça que l'histoire fonctionne. On me reproche souvent de me défier des marxistes comme de la peste. De « plaquer mes catégories et mes préjugés sur des choses que je n'ai pas lu. » et de rechercher « des points de vue qui corroborent mon point de vue en me disant ouvert d'esprit ». Or, chaque année je m'évertue de perdre mon temps à cet exercice pénible et fastidieux de lire ces auteurs pour essayer de faire comprendre à des gens éduqués que leurs références ont torts. En « déconstruisant » leur maison de paille idéologique, j'essaie de les ramener sur terre avec le peuple qu'ils méprisent. Cette année, pour fêter le noël des idéologies passées, je vous propose un guide de création narrative pour construire votre lecture marxiste du monde en moins de 15 heures de lectures grâce à Shoshana Zuboff et « The Age of Surveillance Capitalism ». 

La technique est simple et demande trois étapes à suivre à la lettre : 1) construire un univers capitaliste rappelant les dystopies télévisuelles de l'époque, 2) trouver les meilleurs acteurs possibles pour jouer le rôle du méchant capitaliste et 3) rassembler les deux avec une trame narrative qui implique un futur certain où les actions du méchant capitaliste entraînera la fin ultime du capitalisme et l'essor d'une civilisation globale paradisiaque.

La terreur de la surveillance

Partout nous sommes surveillés, sans défense, épiés, manipulés, utilisés sans notre consentement. Ils nous poussent (nudge) et nous ameutent (herd), ils nous plis à leur volonté et accaparent tout ce que nous produisons. « Ils », ce sont les forces du « capitalisme de surveillance », « l'instrumentarianisme » est leur idéologie, la « privatisation des divisions de la connaissance » est leur mode opératoire, « l'individualisation » est l'outil qui leur a permis de briser le cadre de la « deuxième modernité », de créer le « capitalisme de la troisième modernité », avec un « nouvel ordre morale », qui applique en plus des économies d'échelles et de gamme, des « économies d'actions » où les « comportements » deviennent « la quatrième marchandise » après les terres, la main d'oeuvre et le capital. Ce « rogue capitalism », ce « toxic capitalism », ce « digital capitalism » est décrit avec son « culte », ses « prêtres », ses « sorciers », ses « apprentis-sorciers », ses « marionnettes et marionnettistes », ses « mages » et toute une ribambelle de personnages fantastiques qui eux connaissent le « shadow text » derrière le « public text » montré au public lorsque nous traitons individuellement avec les GAFAMs. Vous avez tout compris, le plus important pour vendre une histoire, c'est le « setting »; l'ambiance général de l'univers. Pour arriver à captiver l'attention et vendre leur papier, les marxistes doivent décrire un monde qui hystérise et rend fou. Et pour arriver à leurs fins, rien de plus simple que de faire des amalgames avec des figures populaires fantastiques! Les mages de la troisième modernité, ce sont les méchants capitalistes mangeurs d'enfants d'hier sous un nouveau visage.

Un bon casting résout tous les problèmes de trous dans le scénario

Réaliser un film et vendre un film sont deux choses complètement différentes. Nombre de productions furent des navets mais des succès populaires – et vice-versa – et c'est pourquoi le marketing des idées est souvent compris comme étant un genre de science alchimique en soi où le choix des protagonismes est important pour assurer le succès de vente. C'est pareil avec les marxistes. Qui de mieux que ces pilleurs des « gains de la croissance »? Pour choisir et désigner l'ennemi de la saga de Zuboff, elle s'est appuyée sur des entrevues d'émeutiers, de militants de deux mouvements politiques, et surtout, d'une série d'entrevues avec des gestionnaires de Google et Apple. L'ennemi est désigné, le capitalisme de surveillance s'appelle les GAFAMs (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), et tout est de leur faute. C'est « leur » « design » qui est responsable de tout. Ils ont construits les nouvelles formes de marché, ils sont responsables du « néo-féodalisme » et du « retour au capitalisme patrimonial », ils sont responsables de la « croissance économique à travers l'exclusion », ils ont volés « notre droit au temps futur », et ils ont construits la « carte de la logique » derrière « la logique d'accumulation » du capital dans le capitalisme de surveillance. La somme de leurs péchés nous « coûte notre humanité ». Avant c'était les barons de caoutchouc, ensuite les compagnies automobiles, maintenant les GAFAMs.

Matérialisme historique, fin du monde et révolution

Tout le monde connaît le cycle de l'apocalypse chrétienne : Jésus le fils de dieu est descendu sur terre une fois, est mort sur la croix pour nous sauver et reviendra sur terre lors de la fin du monde à venir. C'est à ce moment que nous serons chacun jugés et que le paradis viendra à nous si nous sommes de ceux qui le méritent – enfin, quelque chose comme ça, entre ça et Hollywood je ne sais plus vraiment. Pour les marxistes, ces descendants hégéliens, le cycle est tel un mantra : les méchants causent leur propre perte, la révolution détruira l'ordre des méchants et le paradis adviendra par la voix du peuple oppressé. Simple non?

Du schéma narratif à la méthodologie scientifique

Pour arriver à cette description qualitative, cet univers narratif, cette mise-en-scène grotesque, Zuboff dit que « le capitalisme de surveillance est sans précédent » et que cette réalité nous impose de créer des concepts pour définir cette réalité. Ainsi, avec un champs lexical, quelques entrevues et une enfilade d'auteurs : Skinner, Marx, Hayek, Schumpeter, Polyanyi, Weber, Durkheim, Sartre, Arendt, Searle, qui n'ont jamais vécus, pour la plupart, ni l'avènement des médias numériques, ni l'avènement des médias sociaux, Zuboff nous explique que le monde d'aujourd'hui, c'est les méchants capitalistes qui nous surveillent, puis les états qui doivent les contrôler.


Le problème ultime de l'approche, c'est que derrière ce lexique apocalyptique et dramatique existe un réel univers scientifique et que ce paradigme de la connaissance existe depuis la fin des années soixante du siècle dernier. Ce paradigme, c'est l'univers des systèmes dynamiques/complexes et il lie les sciences comme la physique et la chimie, traverse les sciences de la santé, pénètre au coeur de l'urbanisme et des modèles organisationnels, et culmine dans les sciences de la terre, du climat, de l'écologie, de l'économie et de l'innovation technique. Ce paradigme permet de parler clairement avec des nuances du monde d'aujourd'hui, et ce, sans faire peur aux gens, sans les dresser les uns contre les autres. Malheureusement pour les lecteurs de Zuboff, il fût plus intéressant pour cette psychologue de traiter le capitalisme comme un objet possédant un essence, de traiter les crises économiques comme des patients psychiatriques, de faire des procès d'intention et d'enfiler des slogans idéologiques, que de s'immerger réellement dans ce monde en plein changement, dépassant ce cadre de compréhension idéologique datant du 19e siècle qu'est l'idéologie marxiste. 

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