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Dresser sa bibliothèque – leçons de distinction à l'aube du projet transhumaniste



Dresser sa bibliothèque – leçons de distinction à l'aube du projet transhumaniste

L'époque est sombre et baroque. Zéphyr nous envoie ses pires vents pour nous malmener. Les désordres sociétaux s'accumulent au rythme des pensées en système, promouvant chacun à leur manière de nouveaux dieux à vénérer et de nouveaux démons à combattre. L'Individu est seul en face de la tempête. L'océan est de tous les côtés. Il est immergé dans une nouvelle réalité nommée Internet. Une réalité qui dépasse la fiction, qui se joint à la mondialisation physique - au rapetissement du monde par la technologie – et à la prise en charge de plus en plus « totale » des modes de vie et d'existence. Je vous parle de votre supposé « libre-arbitre », chers chrétiens que vous êtes! La foi envers la possibilité du choix.

Les neurosciences, la biologie évolutive et l'idéologie du transhumanisme ont ceci en commun de mettre en évidence tous les endroits possibles, sur le chemin de la conception d'une âme, d'un esprit et d'un corps humain, où il est possible de « hacker » ou « prendre en charge et modifier » – guérir, corriger et augmenter – les processus de création de la vie. Cette possibilité vient avec un pouvoir immense, une emprise directe dans la formation des « Persona » qui vivent dans les sociétés; la possibilité d'une multitude « d'agents » comme dans l'univers « The Matrix » des jumeaux Wachovski. Un foisonnement d'Individus identiques intégrés et stéréotypés; des programmes de surveillance pour le maintien de l'ordre, de l'autorité et de la discipline. 

Il est aisé de concevoir une société tellement polarisée où chaque individu suit les « chaînes d'informations » qui se rapprochent de « leurs » « idéaux », vivant dans les mêmes quartiers, ayant dans leurs groupes que des gens avec le même bagage éducatif et provenant des mêmes strates sociales. Toutes les expériences totalitaires ont menées vers la création de supports pour favoriser « l'ingénierie sociale », cette science découlant de toutes les études sur les populations. C'en est de même pour le projet transhumanisme et de la mondialisation.

Faire face à la vague

L'Individu est saisi d'un vertige à l'image de la folie Lovecraftienne. Les formes de représentation sont trop immenses pour être vues quand il est immergé dans l'Internet. Il ne peut pas concevoir un mode de vie et d'existence dans cet univers perdu. Il perd pied et nage vers la folie de l'anxiété, de la dépression, de l'insomnie, du stress chronique, de l'isolement et du ressentiment. Les jeunes générations prennent conscience des dangers de cette réalité, mais seulement à travers les nouvelles chaînes de la servilité qu'on appelle « les réalités augmentées ». Ils en prennent conscience, mais à moitié, voyant des doigts, mais pas la lune, souffrant des aléas de la vie, mais convaincus qu'ils sont causés par des démons de la nature humaine.

Dans mon voyage au pays des libre-penseurs, durant l'époque du libertinage érudit et de l'Inquisition, j'ai pu converser avec les membres de la « Tétrade », un groupe d'amis libertins qui ont permis entre autre de proposer une vision de la société en accord avec les avancés scientifiques de leurs temps. Ravi de les entendre, c'est en discutant avec Gabriel Naudé, le premier bibliothécaire de renommée depuis Ptolémée - en Occident du moins - que m'est venue l'idée d'une opposition « matérielle » à l'emprise d'Internet et de sa réalité fragmentée.

Dresser sa bibliothèque

Comme Individu, on se construit de différentes manières : par nos accomplissements, nos liens sociaux, nos carrières professionnelles, notre filiation, mais aussi par des esthétiques. Ces esthétiques sont des manières de se voir comme Individu; de se projeter à l'Autre à travers notre corps, notre esprit et même notre âme. L'époque des livres saints signifiait très peu de différentes esthétiques. Un peu comme une limitation du nombres de personnages à jouer dans les jeux de réalités augmentées. Beaucoup disent aujourd'hui qu'il s'agissait « d'oppressions » et de « relations de pouvoir »; qu'il faut tout détruire cela afin d'être « réellement égaux », sans voir qu'ils prient devant un nouveau Dieu qui n'a pas encore de nom. 

Pour Gabriel Naudé, la meilleure manière pour un homme d'entendement de se distinguer au sein de la société et de l'époque, en plus de garantir une postérité qui traverse les âges, était de construire sa bibliothèque. Une bibliothèque publique afin d'assurer un service à tous dans un critère d'égalité. Une bibliothèque qui est gage de son bon goût, qui met en avant le mérite des Anciens et qui permet d'élever les communs. De la même manière, je crois qu'il est possible pour les hommes d'entendement d'aujourd'hui de mettre en valeur leur propre bibliothèque, d'en faire la pièce centrale de leur foyer, un endroit privilégier pour converser avec nos amitiés et où il nous est possible de pourvoir à l'éducation de nos enfants; la science nous l'a prouvé. Dresser sa bibliothèque pour se dresser soi-même et élever les autres autour de nos jardins épicuriens.

Comment dresser sa bibliothèque

Commencer par suivre les avis et conseils de gens en qui nous avons confiance et manifestent une autorité dans le domaine, suivre des modèles et commencer en suivant des catalogues de sujets. La quantité de document n'est pas gage de qualité mais permet de couvrir plus de thèmes et de perspectives. La qualité des ouvrages est maîtresse et doit être variée sur tous les plans : avoir des autorités, des commentateurs et des étrangers en version originale, avoir aussi de la variété dans la traduction, inclure les sciences actuelles, suivre des sujets particuliers, avoir des critiques, permettre l'innovation et l'opposition aux Anciens, mettre en lumière les premiers à avoir traité de divers sujets, choisir des sujets peu discutés et même ce que l'on considère comme étant des hérésies, finalement, privilégier les recueils et ne pas prendre en compte la beauté physique des documents. Aussi, la disposition du lieu demande de l'éclairage et du calme, peu d'humidité et une protection des intempéries. De même, le gentleman bibliophile apprendra qu'il est important de disposer d'un ordre et d'un classement de sa bibliothèque quand viendra le moment où la quantité d'ouvrage sera trop volumineuse. Et surtout, le manque d'espace implique qu'il est important de faire circuler les livres et retirer les ouvrages mineurs qui ne se démarquent pas par le style ou le sujet. La construction n'est jamais terminée tant que nous sommes en vie!

Toutes ces leçons sont à considérer pour le gentleman bibliophile qui souhaite discuter avec les Anciens tout en maintenant un contact avec notre réalité sociale fragmentée. Par ce lieu de détente et de plaisirs intellectuels il est possible de promouvoir des modes de vie et d'existence qui se basent sur des Anciens ayant plus de vertus que nos contemporains. Chaque bibliothèque comme l'emblème personnalisée d'une individualité remarquable. Chaque auteur étant la possibilité d'un langage commun et la proposition d'un dialogue avec l'Autre. Chaque livre étant la possibilité d'un prêt, d'un échange et de gains en matière de civilités. Construire sa bibliothèque, l'entretenir et en donner l'accès à ses proches, c'est construire le bien commun d'aujourd'hui et de demain, puis aussi permettre la postérité de notre propre esthétique à l'arrivée sur les grèves du Styx.

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