La tradition
révolutionnaire et son trésor perdu
Lettre aux
souverainistes québécois et aux électeurs anti-libéraux qui souhaiteraient bien du changement
« ce qui
permet à l'homme ordinaire, jeune ou vieux, de supporter le poids de
la vie : c'est la polis,l'espace
des exploits libres de l'homme et de ses paroles vivantes qui donne
sa splendeur à la vie... » - Hannah Arendt, Sur la révolution
Pour
Hannah Arendt, le trésor perdu de la révolution est celui
de l'esprit
révolutionnaire des Pères fondateurs américains. Cet esprit révolutionnaire permit, par sa vigueur et
son érudition,
de
créer un
système de conseils indépendants, apolitiques, fondés sur la
liberté d'association entre
individus qui, au final, mena
les Pères fondateurs
à
la conclusion logique de, tout d'abord,
fonder
un corps politique nouveau pour répondre aux questions de politique
(l'action), ensuite,
de
fonder
la division des pouvoirs politiques
pour tenter d'éviter de sombrer dans le despotisme éclairé et,
pour
finir, de
fonder
l'autorité
qui assurerait,
par la suite,
la postérité de la révolution
. Et c'est ce qui fût,à l'origine, nommé une révolution.
Mais
le sens de la révolution s'est perdu à travers l'histoire de
l'homme post-moderne.
Après
plus de deux siècles de révolutions avortées, d'effondrement du
bipartisme et du multipartisme vers la société de masse et de
dérives autoritaires ou totalitaires dues
au
fait de prendre comme modèle révolutionnaire la terreur jacobine de
1793, partout
sur la planète,
il est possible de prendre du
recul
pour situer le Québec d'aujourd'hui dans cette oasis de liberté
qu'est la pensée des esprits révolutionnaires d'antan.
« Partout
où elle existait en tant que réalité tangible, la liberté s'est
toujours trouvée limitée dans l'espace. (...) La liberté au sens
positif n'est possible que parmi des égaux, et l'égalité elle-même
n'est nullement un principe universellement valable, mais, une fois
encore, elle s'applique seulement avec certaines restrictions et à
l'intérieur de limites spatiales. Si nous identifions ces espaces de
liberté (...) au domaine politique lui-même, nous serons enclins à
les considérer comme des îlots au milieu de la mer ou des oasis
dans le désert. » - idem
Or
donc, en face d'une crise de représentativité politique au sein des
gouvernements canadiens et québécois;
- d'un flot incessant de corruptions, de perversions et de misère de masse;
- d'une main-mise d'intérêts corporatistes et partisans, donc d'intérêts privés, au sein des institutions politiques actuels;
- d'une main-mise des mêmes intérêts corporatistes et partisans, au sein des médias de masse;
- de la disparition et la destruction du domaine public par le domaine privé jusqu'à l'instruction de nos enfants et les soins apportés dans nos hôpitaux;
En
face de tant de problèmes d'origines sociales et politiques, le cri
de la révolte n'est pas rare à entendre. Mais
l'esprit révolutionnaire se perd dans les méandres des humeurs de
masse... Car là où la société de masse se trouve, les intérêts
privés sont au centre de la sphère publique tandis que les opinions
se retrouvent étouffées sous le tumulte sans fin de « l'opinion
publique » : « en raison de son unanimité,
l'opinion publique suscite une opposition unanime et, de la sorte,
elle étouffe les opinions vraies, où qu'elles soient. »
(idem).
Ainsi,
en face d'une société en pleine déliquescence généralisée, et
de l'incapacité inhérente à la masse d'orienter une opinion, la
question de l'action, mon action serait
de décider, a priori, si oui ou non un des véhicules politiques
présents dans l'espace politique québécois ou canadien, répondrait
à ce problème de l'action. Est-ce qu'en votant PLQ, CAQ, QS ou PQ
il est possible de sortir de la trajectoire de l'action politique
contemporaine?
Non.
Est-il
possible de réformer ces institutions partisanes
de l'intérieur?
Non.
Alors
devant cette impasse. Devant l'absurdité du spectacle de la
politique partisane, des luttes de pouvoirs internes,
des vices et des perversions d'autant d'individus d'une populace sans
aucune dignité ou
hauteur
(sauf dans de rares cas) qui qualifient notre élite politique;
devant ces tyranneaux des hauts quartiers, il est clair pour moi
qu'autant la réponse à la question sociale que la question du corps
politique ne peuvent être résolues dans le cadre de la politique
canadienne ou québécois.
Devant
un système verrouillé par une élite isolée autant du peuple que de
la notion de bien-être public, il n'y a qu'en créant des communs
non partisans, des espaces publics, des sociétés d'amis, des
jardins communautaires, des conseils d'ouvriers, d'étudiants, de
fonctionnaires, de fermiers, etc que la solution à la question de la
représentation politique se verra d'elle-même :
- ou bien l'impasse partisan se résoudra de lui-même afin de permettre de vivre un renouveau démocratique grâce à une réforme du mode de scrutin, la création d'un mandat impératif pour les élus et la création du corps politique municipal québécois comme entité indépendante à l'assemblée nationale; le tout au sein du Canada;
- ou bien les nouveaux communs, par une union fédérative, avec comme base la déclaration des droits de l'homme du Québec, appuyés par une assemblée constituante non partisane et indépendante, assureront à la fondation de l'autorité des institutions sur lesquels se fondra les pouvoirs de l'action politique d'un Québec indépendant post-révolutionnaire.
Dans
les deux cas, ce n'est pas en votant pour un parti politique, avec
les choix que nous avons en ce moment, que ce genre d'avenues sont
possibles. L'avenir est ailleurs.
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