Les fans de Greta et
l'écologie
Un énième mois
avec des manifestations d'enfants menant un troupeau d'hommes et de
femmes de « raison ». Une énième épopée
transcendantale pour les strates supérieures de la société, main
dans la main par-delà les frontières nationales afin de
« conscientiser les gouvernements » à la bonne parole
« des scientifiques ». Un énième vendredi avec son
égérie robotisée, à prendre des photos pour le climat. Un énième
« cri du coeur » pour « vous faire paniquer »;
pour « changer les choses »; pour « contrer
l'urgence climatique ». Une énième « action
symbolique » qui « finalement fera bouger les choses! ».
Mais pourquoi rien
ne change malgré ce défilé infini de bonnes paroles? Y aurait-il
complot du Capital? Du Patriarcat? Des Vilains Hommes Blancs
Hétéro-Cissexués? Un coup fourré des Méchants Populistes
Misogynes? Se pourrait-il que le Peuple soit derrière cette
diabolisation des lulus écologistes de la petite Greta? Évidemment
que oui. Si cela ne change pas c'est parce que le peuple est idiot.
Ces sales sans-dents ne méritent que notre mépris. Ils devront
payer pour tous les Ford F-150 qu'ils auront achetés, les lâches.
Ils seront punis par la taxe carbone et le climat, rien que ça.
« L'éducation
supérieure protège désormais davantage contre la chute sociale
qu'elle n'ouvre la voie à l'ascension. Et c'est, en effet, la cause
du regain d'intérêt pour des études longues dans les années
récentes, qui révèle une quête de sécurité plutôt qu'un désir
d'émancipation intellectuelle. Dans la mesure où le financement est
de plus en plus assuré par l'emprunt étudiant, la dette accumulée
se chargera de faire baisser les revenus futurs, si elle n'aboutit
pas à une forme quelconque d'asservissement économique des éduqués
supérieurs d'origine modeste. On pense irrésistiblement aux
« indentured servants », qui, dans les temps coloniaux,
payaient leur passage outre-Atlantique par des années de servitude
contractuelle... » - (Emmanuel Todd, Où en sommes-nous?)
Dans son chapitre
pour expliquer l'ascension de Trump et des populismes, Todd fait un
détour par trois phénomènes clés qui se sont manifestés au tournant du 20e siècle : l'accès à l'éducation
supérieure de masse – 25 à 35% de la population - , la
mondialisation des marchés – et le déséquilibre de la balance commerciale - , et la
baisse du niveau de vie et du statut social des majorités blanches rurales – sans oublier la baisse de l'espérance de vie associée et le sentiment de perte de repères identitaires. Le constat
est sombre car il met en lumière une division idéologique qui se
cumule à un rejet géographique vers les périphéries et un rejet
des modes de vie traditionnels « blancs » jugés
« dépassés » à moins d'être issus de « minorités
victimes de l'oppression blanche ». Pour la première fois dans
l'histoire de l'occident, les élites sociales se réfugient dans les
citadelles urbaines et mondialisées par le système éducatif et les
médias, et les majorités blanches d'occident sont reléguées dans
des « ailleurs » métaphoriques et géographiques. Le
constat n'est pas neuf... il fût évoqué par Christopher Lasch
(Culture du narcissisme) avant que je sois né, puis relayé par des
Marcel Gauchet et Todd durant mon enfance, puis plus récemment par
les Christophe Guilluy (La France périphérique, No society), David
Goodhart (The Road to Somewhere) et Eric Kaufmann (Whiteshift).
L'évolution fût lente et sourde pour beaucoup d'écoliers, mais
pour les mémoires les plus infaillibles la vague populiste et les
Trump ne sont pas une cause, mais le résultat inéluctable du chemin
poursuivi par nos sociétés depuis plusieurs décennies.
Cela nous ramène
donc à la « manifestation monstre » du 27 septembre qui,
dans les faits, ne rassemble pas plus qu'une partie de la jeunesse
mondialisée, hypnotisée par une propagande hystérisante relayée
par les médias. Support qui implique la radicalisation progressive
de cette petite clique d'ados boboïsés, considérant
l'impossibilité concrète de la mise en place des politiques
écologistes à un niveau global; avec quelle armée imposerez-vous à
l'Inde, la Russie, la Chine et les États-Unis de diminuer leur
niveau de vie et leur empreinte carbone chers petits princes?
Nous sommes en
guerre commerciale après tout...
Obsédés par leur
vision de la fin du monde à venir, ces marcheurs pour le climat
représente bien le cercle des nouvelles élites bourgeoises. Ils
sont éduqués, vivent en villes, employés plus ou moins précaires
avec leur voyage tout inclus annuel, quelques RÉERs et un fond de
pension assuré par le gouvernement. « Il est où le
problème? » diront en coeur les profs de philo marxistes,
agents de ressources humaine et autres gestionnaires endimanchés.
« T'es juste jaloux » crieront les plus vexés, incapables
de saisir la différence entre une description statistique et leur
valeur en tant qu'individu. Alors, il est où le problème? Il est
là : comme petit journaliste souhaitant faire plaisir à votre boss,
vous vous vautrez dans le conformisme médiocre.
Laissons la parole à
Nassim Nicholas Taleb (Skin in the Game) : « People whose
survival depends on qualitative « job assessments » by
someone of higher rank in an organization cannot be trusted for
critical decisions. ». En effet, il ajoute que « même si
les employés sont fiables par design, on ne peut pas se fier à eux
dans les grandes décisions qui impliquent de jouer avec de gros
risques, à moins que le métier soit un métier d'urgence comme
celui des pompiers ». La tâche de l'employé c'est de remplir
les tâches dictées par son supérieur et remplir les conditions de
la méthode de gouvernance interne via des standards et autres
métriques pseudo-scientifiques. Durant une urgence l'employé est
dépassé. Il est paralysé parce que la responsabilité du bon
déroulement du système n'est pas de son fait mais plutôt le fait
métaphysique du gestionnaire en charge de son dossier. Le pouvoir
n'est pas dans ses mains et soyons francs, il est souvent très
heureux de ne pas avoir à vivre des conséquences des bugs du système,
tandis que le gestionnaires en question a étudié trois ans à
l'université afin d'être capable de spinner à son propre boss
pourquoi les gens en-dessous de lui sont des incompétents. La boucle
est bouclée et il peut désormais rentrer chez lui s'occuper de sa
famille.
Emprisonnés dans
cette logique hiérarchique de l'employé de service, les
intellectuels médiatiques, les marcheurs, Greta et tous les artistes
visuels verts s'adonnent donc à recréer ce modèle hiérarchique
dans le reste de la société. Eux, ils savent pas vraiment parce que
ce ne sont pas – pour la plupart – des vrais scientifiques; ils
ne font que « répéter ce que les scientifiques disent »,
nous martèlent-ils tous entre deux slogans de fin du monde. S'il n'y
a pas de solution miracle, c'est parce qu'on ne les écoute pas et si
on les écoute, il faut écouter d'autre chose. Une ontologie
écologiste tautologique digne de tous les régimes totalitaires; le
phénomène de bureaucratisation de la pensée est une aberration
dans le monde des idées.
Oui mais qu'est-ce
que tu proposes sale miso?
Les démocraties
occidentales fonctionnent grâce à trois idées pures réifiées et
aucunes de ces idées n'impliquent la délégation de l'autorité
morale à des symboles ou des vendeurs de bouquins : la liberté
d'entreprendre, le libre-arbitre et l'égalité devant la loi.
Gardant cela en tête, ce n'est pas avec des manifestations que la
société de demain se construit. Tout au plus vous entraînez des
pertes de capitaux pour quelques jours et faites pression sur un
gouvernement qui n'est pas du tout efficace dans ses stratégies
économiques... car dictées par des hauts fonctionnaires... Non, la
beauté de la démocratie vient de deux possibilités que vous jugez du haut de votre statut d'intellectuel : 1) la
liberté d'entreprendre et de créer de la richesse selon vos valeurs
écologistes et 2) la mise en jeu de votre discours écologistes sur la place
publique par l'action politique partisane.
Alors la prochaine
fois que vous critiquerez un sans-dent qui ne vote pas comme vous le
souhaitez ou un ministre de l'environnement qui « ose »
venir poser avec la Sainte Greta le jour de la manifestation,
demandez-vous plutôt qu'est-ce que VOUS avez fait de concret pour
faire avancer la société vers la transition écologique.
Achetez des crédits
carbone? Ça c'est pour les faux-culs et vous le savez.
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