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Le mythe globaliste

Le mythe globaliste

Ceux qui en parlent sont taxés de toutes les phobies et de tous les complots. On les met sur des listes. « Des individus problématiques » qu'on ajoute à leur fiche signal-éthique. Faut pas parler de « vous savez quoi » parce que ça fait le lit des « extrêmes ». Ceux qui en parlent doivent jongler avec la réalité. Comment parler de ce qu'il faut parler et qui ne peut être dit sans froisser les identités? Faut-il faire de l'humour? Bien sûr que non! Les hystériques ne rient jamais. Cette science thérapeutique demande de la confiance et nous n'en avons plus à vendre. Alors sera-ce le son de la douce ironie qui me servira d'instrument? Ce mépris articulé ne peut que frapper droit au coeur de l'ego de ces sirs, au point de les disconvenir. Eh bien alors, misons sur la raison! Mais laquelle? Nous sommes en crise de valeurs et tout le monde la requiert, la prie ou se l'approprie telle une prophétie. Que faire en temps de crise, que faire pour éviter les délits de langue?

Se taire. Se défaire des opinions présumées, construire sa Raison une pierre à la fois, faire pour soi, pour ses amis, ses frères, ses pairs. Faire et dire, dire et faire, garnir son jardin et sa bibliothèque, se poser en exemple, poser un modèle de vie, et finalement éduquer, proposer, élever. 

Nous sommes en crise.

Comme à chaque cycle économique ou politique, nous faisons face aux mêmes lubies, aux mêmes Idées, aux mêmes maux et aux mêmes « processus historiques ». Cette fois-ci, comme à chaque fois, la crise est d'origines multiples : baisse de la fécondité, stratification éducative, ségrégation géographique et sociale, montée des inégalités, chaos climatique, recul des religions, migrations de masse et transfert de la souveraineté des Nations vers les corporations privées. Devant la crise, les peuples se soulèvent en réaction, comme à chaque fois, et de ceux-ci émergent des solutions plus ou moins radicales. Devant la crise, l'État se contracte et réprime, comme à chaque fois, pour éviter les extrêmes, éviter que la révolution ne l'emporte et qu'à la place de l'État le sort d'une Nation repose sur les épaules de la foule en colère.

Cette fois-ci, il y a du nouveau. Un moment dans l'histoire où les élites se trouvent totalement séparées des communs; de la réalité, du monde normal et des peuples. Ils sont isolés dans leurs quartiers enclavés ou encore dans leur jet privé. Ils sont protégés des banlieues sombres dans de luxueux studio parfaitement situés. Ils sont à l'abri des banlieusards déclassés prisonniers dans leur ruralité. Ces élites éducatives urbaines et cosmopolites vivant la mondialisation comme des vainqueurs en pleine jubilation ont épandu une mythologie qui s'étend du haut en bas de la société. Une mythologie ruisselant tel un voile d'embruns sur l'entièreté du globe. Une mythologie du Tout universel, resserrant en son sein l'Individu, la Monde, l'Histoire et le Progrès comme Valeurs Idéales. Une mythologie qui aboutit à la transcendance par le projet transhumaniste. Un néo-néo-platonisme-libéralisé par le marché. 

L'hypothèse des Nations

La mythologie globaliste insiste sur cette idée que la démocratie serait l'invention de la modernité, la panacée de tous les maux de la société et la seule manière d'endiguer le racisme, les génocides et la tyrannie. Fort d'une analyse qui s'arrête au 19ième siècle et qui inclut parfois la révolution française (oui je parle de vous les marxistes), les idéologues discourent sur les tenus et aboutissants des mêmes Idées, mais en les inversant selon le cloché d'où ils sont nés. L'envers et la face d'une même médaille.

À défaut de suivre ce que nous enseigne la philosophie, les sciences évolutives et l'anthropologie depuis quelques décennies, la mythologie globaliste propose de continuer le projet impérial américain qui débuta avec la fin de la seconde guerre mondiale et culmina avec les « révolutions néo-libérales »; cet épouvantail des sociaux-démocrates endimanchés. Ce projet impérial est avant tout économique et il sous-tend toutes les structures et institutions qui découlent des traités, pactes, ententes, sommets entre les États reconnus sur le globe. Pour arriver à cette tentative de gouvernement mondial, la mythologie globaliste affirma que par la démocratie et l'économie libre-échangiste, les sociétés ne pouvaient que s'enrichir et progresser; la paix serait signée et actée, les enfants gambaderaient dans les champs et partout régneraient les licornes et les arcs-en-ciel. Le mythe globaliste affirmait sans doute possible que les Nations convergaient, depuis l'effondrement du bloc soviétique, dans une entité mondiale et unique. 

Cette mythologie globaliste nie les spécifités régionales; ce qu'Emmanuel Todd appelle « la mémoire des lieux ». Elle nie les particularités des Nations, des Familles et des Religions. Elle nie l'idée qu'une société fragmentée a amené les problèmes sociaux et la vague populiste qui nous submergent présentement. Tous les pays ne font que se comparer entre-eux en suivant les modes managériales. « Les États doivent être plus compétitifs sur les marchés » chantent en coeur les économistes, et si cela ne va pas, c'est parce que « le travail et le capital n'ont pas été assez libéralisés ». Et partout où la mondialisation libre-échangiste est à son plus fort pousse par milliers des bidonvilles et des tours vitrées. Partout sauf en Allemagne, ce parangon de la vertu mondialisée.

C'est ainsi que la mythologie globaliste doit nier le réveil populiste; le réveil des Nations, des Familles et des Religions. Partout où siège cette Idée de « démocratie libérale », la mythologie globaliste taxera la mémoire des peuples d'odeur nauséabonde, de brunitude et de discours fascisant. Partout où la société atomisée se tirera dessus, ce sera à cause des Idées portées par les derniers de cordée. Partout sera niée la cause du Réel mondialisé. 

L'hypothèse de l'Individu

De l'unité des Nations entre-elles est liée cette Idée d'un Humain universel. D'un homo-oeconomicus, une homme-statistiques. Un Individu décrit comme « identité » et l'identité comme processus entièrement ancré dans le domaine de la raison raisonnante d'une individualité sensée se connaître parfaitement. Les voies du progrès ont fait de cette identité universelle une institution au même titre que la propriété privée et le libre-arbitre de nos constitutions anglicisées. 

De même, la première génération post-réseaux sociaux vient d'entrer sur les bancs des universités et quitter l'école secondaire. Cette iGen semble battre tous les records en matière de problèmes de santé mentale et de capacités scolaires médiocres. Dans tous les milieux, la stratification éducative et géographique se fait sentir. Les inégalités ne sont pas inter-raciales ou inter-sexes, comme le prétendent les économistes de la morale, des privilèges, des oppressions et de l'identité, mais intra-raciales, biologiques, éducatives et géographiques. La quête pour l'égalité devient non-sens industrialisée et est mise en conflit avec la sensation d'équité des « groupes majoritaires » démonisés. On préfère mieux parler de quotas, de plafond de verre et d'inclusion sans comprendre que le problème dépasse cette idée même de représentation essentialisée.

Ces Êtres atomisés dans la loi, dans nos institutions, dans notre culture et dans notre histoire sont déracinés par le Progrès. Déracinés de toutes les entités jugées « oppressives » : la Famille (le patriarcat), la Nation (la guerre ou la masculinité toxique), la Religion (la guerre Et le patriarcat, sauf si vous n'êtes pas blancs), et deviennent des monades « libres » voyageant d'État en État, de contrat en contrat, de situation en situation, de relation amoureuse en relation amoureuse, au même rythme que les marchandises et les capitaux. C'est tellement beau.

L'hypothèse transhumaniste

Cette destruction totale de ce qui fait de l'humain un humain vient avec l'idée d'un renouveau, comme à chaque fois. « L'hypothèse transhumaniste est la nouvelle utopie humaine » disent en coeur les jeunes étudiants qui montent leur start-up. Peu importe la branche transhumaniste (intelligences artificielles, émulation du cerveau, stimulation génétique, interface biocybernétique), l'enjeu de cette nouvelle course à l'armement est celui du pouvoir, et cette course se justifie moralement en vantant les mérites possibles de la guérisons des corps, de la corrections des défauts et de l'augmentation des capacités, sans égard aux conséquences qui découlent nécessairement de ces expérimentations. L'idée de progrès fusionne ainsi avec la transcendance de la connaissance de la vie, de l'univers et de tout le reste. 

L'hypothèse transhumaniste est foncièrement anti-démocratique de part la réalité socio-économique de ses pratiques jusqu'à l'idéologie qui sous-tend sa vision de l'Individu comme une monade libre. Partout autour de ces discours se rassemblent les opposants à cette vision totalitaire et universelle de l'homme. Partout le Réel nous indique avec insistance que cette mythologie globaliste ne fonctionne pas en dehors des métropoles, en dehors des quelques milieux qui vivent du cosmopolitisme institutionnalisé. Partout, les peuple se rebiffent à la vue de ce bond en avant un peu trop loin et un peu trop rapide à leur goût. Partout autour de nous on voit des histoires de contrôle de plus en plus insistant de la part d'entités publiques ET privés. Partout autour de nous se resserrent le filet de la censure couvert de miel et novlangue bureaucratisée.

Mais il fait quand même bon de rêver, de voyager.
Enfin, jusqu'à l'anéantissement du rêve pour cause de restructuration. 


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