Désirs de
consumation
Nous sommes emprisonnés dans une société de consommation qui suppose la croissance économique comme horizon indépassable. « Sans elle, la société s'effondrera », claironnent en coeur les cancres des sciences économiques. Face à ce faux dilemme de la croissance ou de l'effondrement, le "moindre mal" serait donc le statu quo; le culte de la production... et de la consommation
«Cet oubli du
cosmos suppose la toute-puissance de la culture comme antinature.
(...) Le soleil ne fait plus la loi quand l'électricité s'y
substitue. Les paysans virgiliens s'effacent au profit des ouvriers
de la terre. Le temps cyclique païen s'effondre au profit du temps
qui devient de l'argent. La terre meurt et les paysans aussi :
elle devient un support à produits chimiques; contraints et forcés
par la religion de la productivité, ils deviennent les ouvriers de
cette mise à mort. » - Cosmos, Michel Onfray
Dans « Cosmos »,
Onfray nous rappelle que « tout ce qui existe sur terre procède
de l'effondrement d'une étoile. ». Nous sommes tous
littéralement « poussière d'étoile qui prît la forme de
l'animal humain que nous sommes ». Cette ontologie matérialiste
issue des avancés en astrophysique a le mérite de remettre l'homme
à la place qu'il doit être : quelque part dans le cosmos
infini où la vie est un « un pliage des forces en formes »;
et où la vie terrestre procède du don de la lumière qui nous est
accordé depuis des milliards d'années par notre soleil.
La formule
d'économie générale de Georges Bataille
Pour Bataille,
l'activité économique, si elle doit être perçue de manière
globale, doit partir du principe « où la « dépense »
(la « consumation ») des richesses est, par rapport à la
production, l'objet premier. » (La part maudite, Georges
Bataille). Ceci implique de ramener toute l'oeuvre humaine, à
travers l'histoire, à un mouvement d'énergie constant et issue d'un
phénomène cosmique; « un mouvement se produit à la surface
du globe qui résulte du parcours de l'énergie en ce point de
l'univers. L'activité économique des hommes approprie ce mouvement,
elle est la mise en oeuvre à de certaines fins des possibilités qui
en résultent. » Ainsi, toute l'oeuvre de l'homme ne fait que
suivre « l'accomplissement inutile et infini de l'univers. »
Cette formule
d'économie, qui se concentre sur l'énergie cosmique et les forces
qui se déploient sous son emprise, procède d'un calcul très
simple : tout organisme vivant « reçoit en principe plus
d'énergie qu'il n'est nécessaire au maintient de la vie ».
C'est précisément cet « excédent » que Bataille nomme
« La part maudite de l'homme »; car cette énergie
excédentaire n'appelle qu'à être consumée « par-delà le
bien et le mal » comme dirait Nietzsche.
L'excès et la
notion de dépense
Cet excès d'énergie
doit être envisagé selon deux facteurs : ce qui rend possible
l'excès et ce qui la limite. Avec les progrès techniques de la
modernité, la société de consommation et l'augmentation globale du
niveau de vie des dernières décennies, là où l'esclavage n'est
pas une panacée, vient une exubérance d'énergie qui n'attend qu'à
être dépensée: l'augmentation des heures de loisir et la
diminution du « labeur » sont entièrement redevables aux
progrès de l'homme, mais l'isolement social et l'ennui, propres aux
forces « improductives » de la société se retrouvent
comprimées dans un espace clos où il est impossible de dépenser
cette énergie.
« Car si nous
n'avons pas la force de détruire nous-mêmes l'énergie en surcroît,
elle ne peut être utilisée; et, comme un animal intact qu'on ne
peut dresser, c'est elle qui nous détruit, c'est nous-mêmes qui
faisons les frais de l'explosion inévitable. »
En temps normal,
l'énergie excédentaire d'un organisme vivant se déploie sous deux
formes : la croissance (manducation, mort et reproduction) et la
dépense improductive (luxe, loisirs, consumation), mais quand cette
dépense est impossible, et elle l'est pour beaucoup de gens, riches
aussi bien que pauvres, il en résulte des embrasements (guerres,
violence, névroses).
La part maudite
La société de
consommation propose deux moyens pour aider à cette consumation :
le travail et la société de loisir; mais ces deux moyens sont
incapables d'endiguer les malheurs de la misère et de la violence
puisque cela sous-entendrait que chaque homme sur terre ait accès au
travail et à cette société de loisirs. Ce qui n'est pas le cas
bien évidemment.
Ainsi, on ne
travaille que pour consommer et nous ne consommons que pour
travailler. Le travail est une fin en soit; une nécessité pour
pouvoir consumer l'énergie excédentaire qui est en nous. Le tout en
fonction de ce culte de l'utilité qui est derrière cette société
de consommation.
Les désirs
mimétiques de la société de consommation
Pour continuer à
faire rouler le processus vital de notre civilisation; le cycle de la
production et de la consommation, la société de masse utilise les
médias et ses vedettes comme des modèles à suivre. Ou dirais-je
plutôt comme nouveaux prophètes de cet « esprit du
capitalisme » décrit par Max Weber. Pour mériter le luxe, il
faut correspondre à ces standards, à défaut de quoi on se retrouve
exclu de la société.
Ce flux incessant
d'énergie qui submerge l'individu, et l'incapacité de l'individu à
consumer cette énergie, amènent ce dernier à vivre des
frustrations, du stress et les quatre sentiments de l'individu
atomisé qu'Hannah Arendt décrit dans « Les origines du
totalitarisme » : apathie, ressentiment, cynisme et
colère.
Cette
invisibilisation dans la masse des exclus est donc l'équivalent
d'enfermer une source de chaleur autonome dans une chaudière. Ce
n'est qu'une question de temps avant l'embrasement.
La fin de l'utilité,
la dépense improductive et le don
Ainsi, la proposition qui découle de cette analyse de Bataille est avant tout : de se libérer de la vision de « l'utilité » comme fin en soi et le rejet des morales qui limitent la dépense de l'énergie excédentaire sans autre moyen de la dépenser en échange. D'un autre côté, Bataille nous amène dans son essai d'économie générale à visiter d'autres civilisations dans l'histoire où l'économie de la dépense fonctionnait différemment. Parmi ces exemple, l'économie du don (potlachs) des autochtones en Amérique ou encore la société religieuse du Tibet proposent une économie de la dépense à des lieues de celle de la société de consommation.
Ainsi, la proposition qui découle de cette analyse de Bataille est avant tout : de se libérer de la vision de « l'utilité » comme fin en soi et le rejet des morales qui limitent la dépense de l'énergie excédentaire sans autre moyen de la dépenser en échange. D'un autre côté, Bataille nous amène dans son essai d'économie générale à visiter d'autres civilisations dans l'histoire où l'économie de la dépense fonctionnait différemment. Parmi ces exemple, l'économie du don (potlachs) des autochtones en Amérique ou encore la société religieuse du Tibet proposent une économie de la dépense à des lieues de celle de la société de consommation.
Ces autres civilisations nous montrent une autre économie mais nous montre surtout ce qui est important - Pour quoi nous vivons -
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