"Car la liberté que nous pouvons espérer, ce n'est pas qu'aucun grief jamais ne s'exprime dans la République - que personne n'y compte en ce monde; mais c'est quand on écoute volontiers les plaintes, qu'on les considère au fond, qu'on y remédie rapidement, c'est alors qu'on atteint le comble de la liberté civile que recherchent les sages."
C'est sur ces mots; sagesse et tolérance, que se base l'idéologie libérale. C'est aussi dans un contexte de guerre civile et de conflits religieux qu'est issue ce renouveau idéologique du libéralisme. Dans "Pour la liberté d'imprimer sans autorisation ni censure", John Milton y va d'un plaidoyer pour la liberté de conscience et la liberté d'expression qui révolutionna l'Angleterre victorienne pour y insuffler un vent de démocratie - quoi qu'imparfaite diront certains - et la placer au sommet d'un monde en soif de liberté.
Cet épanouissement politique s'est bâti sur un édifice religieux qui remonte jusqu'à l'Antiquité. En effet, même chez les contemporains de Platon, la censure était un thème très discuté mais qui était réservé aux injurieux et aux athées. C'est l'Église catholique qui l'uilisa à son plein potentiel afin d'asseoir sa tyrannie du Livre partout où le Pape régnait et afin de faire taire toute idée perçue comme licencieuse.
Dans son pamphlet, Milton y va d'une démonstration jouxtant le fait qu'aucune censure n'est applicable, que la censure enferme les idées nouvelles dans la morosité du conformisme, qu'elle infériorise le peuple qui en est victime et qu'elle n'est qu'une manière, pour une élite, de monopoliser l'espace public tout ayant l'effet inverse au niveau de l'action souhaitée par ses champions.
Bien sûr, dans une époque où le politique et le religieux marchent main dans la main, ce pamphlet argue en visitant les lieux communs des débats théologiques, mais force est de constater qu'aujourd'hui encore, le débat sur la censure - et ses censeurs - est toujours d'actualité.
La laïcisation aura mis au cachot la religion mais l'essence auquel carbure les censeurs demeure: c'est cette "moraline", ce débat morale opposant la notion de bien et de mal qui perdure dans les mœurs de la société. Pour la forme, les censeurs se drapent désormais des idéologies réactionnaires ou progressistes. On le voit avec les débats houleux sur une blague mêlant un Éthiopien, un cornet de crème glacée et une fille dévêtue dans un bar, tout autant qu'un commentaire polémique et féministe sur la mort d'un ancien premier ministre. Dès lors qu'on empêche un professeur d'Université de faire classe sans surveiller les mots qu'il choisit afin d'éviter les micro-agressions ou qu'on sanctionne un humoriste pour exprimer des idées contraires à "la République", nous sommes en droit de se poser la question: jusqu'où irons-nous afin de policer les comportements de nos prochains? Et quels effets sur les comportements ont ces projets de censure?
" L'Écriture compare la vérité à une fontaine jaillissante; si ses eaux ne s'épanchent pas en une perpétuelle progression, elles stagnent dans une mare boueuse de conformisme et de tradition. (...)
Là où existe un grand désir d'apprendre, il faut qu'abondent la dispute, l'écriture, les opinions; l'opinion chez l'homme de bien n'est pas autre chose que savoir en devenir."
Commentaires
Enregistrer un commentaire