"La morale peut donc être définie comme l'ensemble des règles et des préceptes qui s'appliquent à la conduite humaine et par l'observation desquels une existence telle qu'on vient de la décrire pourrait être assurée, dans la plus large mesure possible, à tous les hommes; et point seulement à eux, mais autant que la nature des choses le comporte, à tous les les êtres sentants de la création."
Comme tout projet philosophique existentiel qui se respecte, il est important pour le philosophe d'en tirer une morale qui soit applicable dans le monde Réel. L'esprit praticien de John Stuart Mill dans "L'utilitarisme" s'inscrit jusqu'à un certain point dans ce cheminement car il propose dans la morale utilitariste un calcul des plaisirs - donc un hédonisme - qui s'appuie sur les bases épicuriennes antiques. Qui plus est, il évoque l'importance d'une hiérarchie des plaisirs afin d'éviter qu'on en fasse un calcul purement quantifiable: "Il vaut mieux être un homme insatisfait qu'un porc satisfait; il vaut mieux être Socrate insatisfait qu'un imbécile satisfait."
" ... il faut admettre que les hommes ont acquis maintenant des croyances fermes concernant les effets de certaines actions sur leur bonheur; et les croyances qui sont ainsi parvenues jusqu'à nous sont les règles de la moralité pour la foule, et aussi pour le philosophe, jusqu'à ce qu'il ait réussi à en trouver des meilleures.
(...) la moralité faite d'habitudes, celle que l'éducation et l'opinion ont consacrée, est la seule qui, en se présentant d'elle-même à notre esprit, nous donne le sentiment qu'elle tire d'elle-même son caractère obligatoire..."
Ainsi, c'est en s'inscrivant dans l'ère de son temps que Stuart Mill - tout autant que les autres utilitaristes tels que Bentham et Godwin - décida de réécrire les préceptes épicuriens pour en faire une adaptation plus "moderne". Malheureusement pour eux, l'histoire nous aura fait constater l'échec retentissant de cette morale qui prend ses assises sur l'idéal religieux de leur époque.
Dès le moment où Stuart Mill propose de faire entrée dans la porte d'en arrière les idéaux de vertus, de justice, de sanctions et de droits, c'est là où la morale utilitariste perd toute crédibilité. En effet, ces thèmes ne sont que des variations utilitaires de la morale judéo-chrétienne.
Force est d'admettre que les avancés politiques dans la société occidentale provoquant la laïcisation de la société, la déclaration des droits de l'homme, la liberté d'expression, la liberté de conscience et la liberté de culte ont été écrits avec des idéaux de vertu judéo-chrétienne. J'irais même jusqu'à dire que le débat public, sur les questions dogmatiques religieuses de l'époque de Stuart Mill, se sont transfigurées pour devenir aujourd'hui des enjeux politiques et économiques. Cette morale judéo-chrétienne et l'importance pour notre société de devoir différencier le bien et le mal selon nos valeurs religieuses ont donc fait de ces identités politiques et économiques (libéral, conservateur, anarchiste, communiste, réformiste, révolutionnaire, socialiste, etc) le nouveau tableau de chasse de schismes au sein de la société.
C'est à ce moment que le projet nietzschéen existentiel doit s'imposer pour affronter ce nihilisme contemporain; pour accepter qu'une morale postchrétienne s'impose "par delà le bien et le mal" au sein de cette société individualiste en manque d'ontologie matérialiste et en proie aux déchirements entre l'humanisme judéo-chrétien et la théologie des régimes wahabites.
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